« Les yeux humides et luisants sont la marque d'un heureux naturel » est la définition de regard idéal donnée par Adamantius d’Alexandrie dans la Physiognomikà, œuvre dédiée à l’empereur Constance III à la fin du IVe s., héritière de la tradition grecque qui à travers la Physiognomica de l’école d’Aristote arrive au traité Sur la Physiognomonie de Polémon (88-144), auteur de la deuxième sophistique. L’importance de l’œil et du regard, bien plus que des autres membres du corps, dans la définition du caractère humain est implicitement affirmée à travers l’espace dédié aux yeux dans la Physiognomikà : le deuxième chapitre est entièrement dédié aux yeux. Ici Adamantius présente différents éléments qui caractérisent l’œil et le regard, reprenant, même si de façon moins détaillée, les notions de l’anatomie de l’œil de Galien (129-201), selon lesquelles pupille, iris, contour de l’œil et de l’iris, sourcils sont les éléments constitutifs du regard, ainsi que les couleurs de l’iris (noir, jaune, marron, bleu, vert) et d’autres marqueurs sémantiques, comme les dimensions (grand/petit), l’humeur (sec/humide), l’éclat, la fixité ou le mouvement. En associant ces éléments connotatifs à un caractère morale, Adamantius arrive à définir un regard idéal, caractérisé par les yeux « ni trop grands, ni trop ouverts, humides » et « luisants », avec une proportion et une différenciation entre les parties, l’iris noir, les contours et les sourcils bien marqués. Cet article s’attachera à rechercher comment ce regard idéal est représenté à travers les finitions polychromes des statues en marbre d’époque romaine impériale, ainsi que les peintures et les mosaïques. Nous intéresserons, plus particulièrement, à la forme, dans ses éléments constitutifs, aux couleurs et à l’éclat, sans oublier qu’ils sont conditionnés par les modèles représentés, les choix techniques, les matériaux disponibles et les critères de visibilité.

Dessiner le regard. Remarques sur le traitement des yeux par les sculpteurs, les peintres et les mosaïstes dans l’art romain / Elisabetta Neri; Éric Morvillez. - In: PALLAS. - ISSN 0031-0387. - STAMPA. - -:(2023), pp. 157-186.

Dessiner le regard. Remarques sur le traitement des yeux par les sculpteurs, les peintres et les mosaïstes dans l’art romain

Elisabetta Neri
;
2023

Abstract

« Les yeux humides et luisants sont la marque d'un heureux naturel » est la définition de regard idéal donnée par Adamantius d’Alexandrie dans la Physiognomikà, œuvre dédiée à l’empereur Constance III à la fin du IVe s., héritière de la tradition grecque qui à travers la Physiognomica de l’école d’Aristote arrive au traité Sur la Physiognomonie de Polémon (88-144), auteur de la deuxième sophistique. L’importance de l’œil et du regard, bien plus que des autres membres du corps, dans la définition du caractère humain est implicitement affirmée à travers l’espace dédié aux yeux dans la Physiognomikà : le deuxième chapitre est entièrement dédié aux yeux. Ici Adamantius présente différents éléments qui caractérisent l’œil et le regard, reprenant, même si de façon moins détaillée, les notions de l’anatomie de l’œil de Galien (129-201), selon lesquelles pupille, iris, contour de l’œil et de l’iris, sourcils sont les éléments constitutifs du regard, ainsi que les couleurs de l’iris (noir, jaune, marron, bleu, vert) et d’autres marqueurs sémantiques, comme les dimensions (grand/petit), l’humeur (sec/humide), l’éclat, la fixité ou le mouvement. En associant ces éléments connotatifs à un caractère morale, Adamantius arrive à définir un regard idéal, caractérisé par les yeux « ni trop grands, ni trop ouverts, humides » et « luisants », avec une proportion et une différenciation entre les parties, l’iris noir, les contours et les sourcils bien marqués. Cet article s’attachera à rechercher comment ce regard idéal est représenté à travers les finitions polychromes des statues en marbre d’époque romaine impériale, ainsi que les peintures et les mosaïques. Nous intéresserons, plus particulièrement, à la forme, dans ses éléments constitutifs, aux couleurs et à l’éclat, sans oublier qu’ils sont conditionnés par les modèles représentés, les choix techniques, les matériaux disponibles et les critères de visibilité.
2023
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157
186
Elisabetta Neri; Éric Morvillez
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